SHERPAS BOUDDHISTES

Henri Sigayret.

Editions Vajra Publications. Vajra Book Shop, Jyatha, Thamel, P.O. Box : 21779, Kathmandu, Nepal.

A mon ami Serge Coupé,

un des premiers Français à côtoyer des Sherpas.

Le Népal est un pays d’une grande beauté, ses habitants possèdent une forte originalité et sont, en général, d’une grande courtoisie. Ceci nous fait trop souvent oublier qu’ils sont pauvres :

En 2005, 86 % de la population a un revenu mensuel de 1382 roupies :

16,25 euros.

Parmi ces Népalais sont les Sherpas. Bien que quelques-uns bénéficient des effets du tourisme, la majorité d’entre-eux vit encore modestement ou misérablement. Nombreux sont les touristes, les trekkeurs, les himalayistes, les résidents étrangers, les journalistes qui l’oublient.

AVERTISSEMENT.

Dans les années 2000, l’auteur, devisant avec un ethnologue spécialiste du Népal, a exprimé son regret que les universitaires et les chercheurs ne livrent pas au grand public une version simplifiée du résultat de leurs études. Propos jugé outrageant par notre spécialiste ! Ce distingué savant faisait partie de ceux qu’ Aroun Tazieff ( qui fut un temps Commissaire à l’Etude des Risques naturels ) décrivait comme étant des :

Spécialistes de haut niveau répugnant à vulgariser leur savoir, préférant demeurer à des hauteurs suffisamment absconses pour provoquer le respect quelque peu craintif du vulgaire.

L’auteur n’est pas un spécialiste, il a donc écrit un livre destiné au vulgaire : au touriste, au trekkeur, au montagnard, à l’himalayiste qui fréquente l’Himalaya du Népal et qui s’intéresse à l’ethnie sherpa. Le résultat n’est pas un travail de scientifique, c’est un travail de dilettante : un simple livre ludique, une ébauche aussi car bien des choses sont à revoir, à élaguer, à compléter. Comme les mauvais garçons qui, cherchant refuge dans une église, criaient : Asile ! l’auteur, récidiviste pénétrant avec ce nouveau livre dans le temple de la parution, crie : Indulgence ! L’auteur n’est pas un homme de l’art, aucun professionnel n’a participé à sa composition, à sa correction. C’est un livre qui, de plus, est édité par un Népalais ne connaissant pas le français ! Relativisons l’importance de ces déficiences, le nombre de personnes s’intéressant aux Sherpas est très limité, ce texte n’est pas destiné à une grande diffusion. L’auteur, occupé à d’autres écrits, a même hésité avant de se décider à le terminer. Il a, pendant quinze ans, lu, pris des notes, relevé des propos, les réponses à ses questions. Puis, un jour, il a pensé que le peuple sherpa continuant à évoluer, il ne subsisterait bientôt plus que de minces traces de ce qu’il a été et il s’est mis au travail. Autre raison : il a été stimulé par l’intérêt qu’ont porté à sa curiosité quelques vieux sherpas conscients qu’une partie de leur histoire était en train de disparaître. Les jeunes Sherpas, eux, sont trop occupés à gérer leur propre devenir pour s’intéresser à leurs ancêtres. D’ailleurs, ils sont nombreux ces jeunes sherpas qui ont gagné ( ou cherchent à gagner ) l’étranger où les conditions de vie sont nettement supérieures à celles qu’ils ont dans leur pays. A ce sujet, pourra-ton parler un jour de diaspora des Sherpas ? Les Sherpas émigrés se fondant dans les peuples d’accueil, le nom de famille Sherpa restant la seule trace de leur origine ? Non ? Souhaitons le. Lorsque seront apaisées les luttes politiques qui affectent actuellement leur pays, les belles perspectives professionnelles qui s’ouvriront à eux devraient les inciter à rester chez eux.

L’auteur a également pensé qu’il était intéressant d’écrire un texte sur ces Sherpas qui ne soit pas influencé par les croyances à la mode. On le sait, de nos jours, toute vérité n’est pas bonne à dire, la légèreté et le mensonge inspirent trop souvent les propos. Le discours stéréotypé est présenté en démonstration de grand savoir, en sapience indiscutable. La langue de bois, qui est une simple forme d’hypocrisie, transforme trop souvent la vérité. Enfin, l’esprit mercantile, partout présent dans notre société, imprègne et dénature des vérités fondamentales. Cet esprit inspire les paroles et les écrits de beaucoup de ceux qui devraient être objectifs : journalistes, cadres d’agences de voyage, habitués du Népal … bref, tous ceux qui se veulent dépositaires de la connaissance du Népal, ce pays qu’ils décrivent ou font visiter. Ecologie dans sa forme la plus intransigeante, humanitaire à l’eau de rose, bouddhismes caricaturisés, peuples idéalisés sont présentés à toutes les sauces ! L’auteur a fuit cette facilité. Il demande à ses amis écologistes et bouddhistes qui seraient irrités par certains de ses propos, certaines de ses affirmations, certains de ses jugements, d’admettre que l’intérêt de ce livre, s’il en présente un, réside dans la franchise, dans la volonté de rejeter les mensonges et les hypocrisies. N’est-il pas possible de situer l’écologie à la place qu’elle mérite dans un pays de misère ? Ne faut-il pas que des bouddhistes français qui se satisfont d’un savoir pelliculaire, commencent à approfondir leurs connaissances pour distinguer la forme de bouddhisme qu’ils ont adopté et, pourquoi pas, admettent que le leur est un néo-bouddhisme façon occidentale.

Bouddhisme religion ou philosophie idéaliste ?

Le bouddhisme des Sherpas, lui, comme tous les autres bouddhismes mahayana pratiqués par les Tibétains, est une indéniable religion. Mais, quelle honte y a-t-il à croire en une religion ! Donc, que chacun choisisse, mais que l’honnêteté guide les amis des Sherpas dans leur démarche et leur choix. Evidemment, les irréductibles moutons de Panurge rejetteront ces propos. Tant pis. Peut-être qu’un jour, un journaliste, un lecteur curieux des choses de l’Himalaya découvrira par hasard ce texte, y trouvera des idées intéressantes, les sortira de l’ombre et les présentera à tous. En attendant, les inusables paroles de Rabelais, se voulant souhait de joyeuse lecture, sont inscrites au frontispice de ce livre :

Cy n’entrez point, hypocrites, bigotz, Vieux matagots, marmiteux borsouflez.

SUR LE BOUDDHISME DES SHERPAS.

Il faut le souligner : ce qui est dit dans ce texte ne correspond pas toujours à ce qu’a exprimé l’auteur dans d’autres livres. Cela est dû au fait que ses connaissances se sont élargies. Dans le cas de contradictions, seul ce qui est écrit dans ce dernier livre est à retenir. L’auteur, inspiré par des spécialistes réputés, a par exemple écrit que le bouddhisme des Sherpas était un bouddhisme du dorji. Il n’en est rien, le bouddhisme des Sherpas est un bouddhisme nïngmapa. Mais, en terres sherpas ces deux formes de bouddhisme se côtoient, s’imbriquent si souvent dans leurs manifestations quotidiennes ou au cours des cérémonies, qu’il est parfois bien difficile de les distinguer. Ceci est d’autant plus vrai que le syncrétisme asiatique est là pour atténuer les différences qui marquent ces deux formes de religion. Ajoutons que la plupart des Sherpas ne savent pas faire la différence entre ces deux formes de bouddhisme.

SUR LES PROPOS TENUS PAR DES SHERPAS.

On trouve dans ce texte des propos tenus par des Sherpas et des Sherpanis et des réponses aux questions que l’auteur leur a posées. Questions et réponses se rapportent à leur vie, caractérisent leurs pensées, leurs croyances, leurs coutumes, expliquent, dans le domaine religieux, ce qu’est pour eux le bouddhisme … La transcription de ces propos constitue sans doute la véritable originalité de ce livre. Les conversations ont été attribuées, évidemment l'auteur n'a pas utilisé leur véritable identité, à des Sherpas ou à des Sherpanis désignés par des prénoms.

Les propos reportés dans ce livre ont été prononcés par des Sherpas en majorité illettrés, c’est pourquoi ils sont souvent mal exprimés ou comportent des erreurs. Il aurait été facile à l’auteur d’en corriger certaines, il lui aurait suffit pour cela de questionner des Sherpas instruits ou des lamas. Mais cette façon de faire aurait enlevé au texte une part de sa naïveté et donc de son intérêt, c’est pourquoi ils ont étés conservés, l’auteur jugeant que la transcription littérale était bien plus intéressante qu’une transcription corrigée.

Ce livre est bien épais, l’auteur l’a pourtant élagué pour lui donner une dimension adaptée à un public d’amateurs.

CONFIDENCES.

UN CONCOURS DE CIRCONSTANCES.

L’auteur précise que sa vie au milieu des Sherpas a été extrêmement enrichissante. Vivant dans le Khumbu en un temps où cette région n’était pas ce qu’elle est devenue, logeant dans une famille pauvre, sa curiosité s’est ouverte, il a observé, vu, écouté, entendu, appris, noté. Au fil des jours sa carapace d’Occidental orgueilleux, sûr de lui et dominateur s’est effritée, le doute sur la profondeur de ses connaissances est venu. Découvrant la misère sous des formes extrêmes, sa sensibilité l’a conduit à s’y intéresser. Au fil des jours, il a remis en cause tous ses acquis et il a tenté une nouvelle approche de la vérité. Il a ainsi été amené à rejeter, puis à critiquer les nombreux discours et raisonnements habituels. Au fur et à mesure que s’accroissaient ses connaissances, il a découvert le peu d’importance qu’il fallait accorder aux poncifs, aux images d’Epinal, aux on-dit qui circulent sur cette ethnie et sur le Népal en général. Il a appris à déceler les erreurs qui se répercutent d’un discours à un autre, à rejeter les modes : vêtements de luxe habillant des engouements, à sourire des bavardages : indices d’ignorances profondes. Mais il a aussi été amené à confirmer l’étonnante vigueur, la grande originalité qu’il y avait chez les membres de cette ethnie sherpa et dans son histoire qui court de notre Moyen-âge à aujourd’hui. A elle seule, cette Longue marche méritait un récit.

DES AIDES, DES REMERCIEMENTS.

L’auteur remercie l’ensemble des membres de sa famille in law, gens très pauvres, illettrés ou de faible niveau d’instruction pour la plupart. Ses beaux-parents : gaga Doma, pala Chumbi, ses belles-sœurs et ses beaux-frères : Ang Phuty, Damu-Dawa Chemzi, Mingmar Nuru, Chrita Phuty, Gurmen Dorji, Nïma Lamu. Ses oncles et ses tantes : Lakpa Dorji, Kusang Tséring, lama de Tengbotché et Kusang Tséring de Dingbotché, Mingma Phuty, Sonam Zambu … Ses nièces et ses neveux vivant chez lui à Kathmandu : Lakpa Chemzi, Dawa Choké, Chewang Gyalzen.

Il n’oublie pas ce qu’il doit aux premiers Sherpas qu’il a connus, ceux qui l’ont accompagné dans ses expéditions et ses trekkings avant qu’il ne se fixe au Népal : Dawa, Lakpa, Nima, Nuru, Pasang, Temba, Pemba …, ni les Sherpas du Khumbu qu’il a fréquenté et parmi eux plus particulièrement : Pasang Tundu, Pasang Dawa, Zangbu, Nima Dorji, Urken … ou à ceux qui vivent dans d’autres régions du Népal et à Kathmandu : Zimba Zangbu, Da Tséring, Mingma, Ang Tséring, Ang Phurba…

Chacun a sa pierre dans la construction de ce livre. L’auteur les remercie, tous.

Enfin, il remercie avec une tendresse particulière sa femme, Dawa Yangzi Sigayret-Sherpa et son fils Sonam Sigayret-Sherpa.

Dawa Yangzi lui a ouvert les portes de la connaissance de son village, de sa famille, de nombreux Sherpas. Bien qu’illettrée, Dawa Yangzi possède l’intelligence des situations et l’intelligence des langues. C’est grâce à cette dernière qu’elle a pu rapidement apprendre suffisamment de français pour servir d’interprête à l’auteur. A elle, il doit d’avoir pu communiquer en profondeur avec des vieux sherpas sans instruction ne parlant que le sherpa et d’avoir, grâce à cela, acquis des connaissances sur le mode de vie, les sentiments, les pensées, les croyances religieuses, les coutumes, les mentalités qui étaient celles des Sherpas avant que les influences du tourisme ne viennent les déformer.

Son fils Sonam : parce qu’il est bien sûr Son enfant, mais parce qu’il est aussi un enfant qui n’est pas comme les autres. C’est d’abord le dernier enfant d’un homme âgé, portant en lui de douloureuses blessures causées, en France, par des trahisons familiales. C’est ensuite un enfant qui est tout à la fois Népalais, Français, récent Sherpa de souche tibétaine, Catalan, Languedocien et peut-être Basque ! Grâce à lui, l’auteur a compris avec sa sensibilité, plus qu’avec sa raison, la bassesse, les infirmités intellectuelles et morales qui se cachent dans les mots racisme, chauvinisme, xénophobie. Croyances ou sentiments qui, malgré nos discours ou nos dénégations inspirent trop de nos actes, de nos pensées. Sonam a éveillé en lui la curiosité pour tout ce qui touche à l’Etranger, il lui a permis de découvrir la grandeur, la richesse et la force que les générations futures puiseront dans le mot métissage. Il le remercie enfin parce que, grâce à lui, il est sorti de l’ornière du triste et banal égoïsme du troisième âge.

SUR LE LANGAGE ET L’ORTHOGRAPHE.

Le sherpa ne s’écrivant pas, l’auteur a considéré vaine la recherche d’une rigueur dans l’orthographe des mots népalais et sherpas. Celle-ci était impossible dans l’état actuel des connaissances ou du moins de ses connaissances. Comme signalé précédemment il y a dans ce texte des contradictions avec les précédents écrits de l’auteur !

En ce qui concerne le langage et l’orthographe, ces changements sont dûs aux acquis de l’auteur mais surtout à un désir de simplification. L’orthographe des mots, des noms propres, exception pour ceux qui sont très connus comme Khumbu, Khumjung, Khampa …, a été volontairement simplifiée. Pourquoi écrire les mots Bothïa : Bothyïa, cïata : cyïatha, gyalzen : ghyalchen, bodisatva : bodhisattva … alors que les spécialistes ne sont même pas d’accord sur une orthographe ? L’auteur, évidemment, s’est gardé d’établir un parallèle trop strict entre le tibétain et le sherpa. Ce choix était tentant mais il faisait la part trop belle à ce tibétain qui possède un écrit. Comment, de plus, aurait-il pu tenir compte des mots inspirés du népali, du birman, du chinois, du japonais, de l’indi, voire du mongol ? Des transcriptions scientifiques existent, elles dépassent les possibilités de l’auteur. Néanmoins, peut-être inconsciemment pour sacrifier à la mode, il a parfois signalé l’origine tibétaine de quelques mots sherpas.